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20 février 2013 3 20 /02 /février /2013 08:40

Le greffe   de la Cour Internationale de Justice fait sa mue pourrait-on dire. Seulement, il ne s’agit pas d’un changement systématique encore moins d’une mutation profonde de l’ensemble du greffe de la Cour. Il s’agit simplement du renouvellement d’un poste non négligeable au sein du principal organe administratif de la Cour : celui du greffier adjoint ; renouvellement déclenché par l’annonce de la démission prochaine, le 15 mars 2013, de Mme Thérèse de Saint Phalle , greffier adjoint actuel de la Cour. Suite au constat de cette vacance de poste, le président de la Cour, conformément aux dispositions de l’article 23 du Règlement de cette juridiction internationale, a notifié la vacance de poste aux autres membres de la cour, fixé une date pour la clôture de la réception des candidatures nouvelles et surtout, a procédé à l’organisation des élections en vue de l’élection d’un nouveau greffier adjoint.

C’est chose faite depuis le lundi 11 février 2013, date à laquelle M. Jean-Pelé Fometé, juriste et diplomate de nationalité camerounaise, a été élu comme greffier adjoint de la Cour Internationale de Justice pour un mandat de sept (07) ans, conformément au communiqué de presse de la Cour publié en date du 12 février 2013. Cette élection, qui arrive à point nommé, marque non seulement la continuité dans la politique d’anticipation de la Cour en ce qui concerne le renouvellement de ces organes de fonctionnement, mais aussi, incline à jeter un regard sur le statut, voire même, les fonctions du greffier adjoint au sein du principal organe judicaire de la Cour.

I. Retour sur une élection statutaire

L'élection de M. Jean-Pelé Fomété comme greffier adjoint de la Cour Internationale de Justice le 11 février 2013 est avant tout une élection statutaire, qui s’est faite conformément aux règles prescrites par les dispositions de l’article 22 du Règlement de la Cour tel qu’adopté le 14 avril 1978 et entré en vigueur le 1er juillet de la même année. En effet, plusieurs éléments peuvent rendre compte de cet état de choses.

D’entrée de jeu, il convient de rappeler les dispositions pertinentes de l’article 23 du Règlement de la Cour qui dispose que « La Cour élit un greffier adjoint ; les dispositions de l’article 22 du présent Règlement s’appliquent à son élection et à la durée de son mandat ». Ces dispositions qui semblent dégager un régime juridique commun applicable tant au greffier qu’au greffier adjoint, opèrent un renvoi aux dispositions de l’article 22 du Règlement, qui donne plus de précisions sur la procédure qui encadre l’élection du greffier adjoint de la Cour Internationale de Justice.

A ce titre, il convient d’abord de noter qu’il s’agit d’une élection qui se fait au scrutin secret parmi les candidats proposés par les membres de la Cour. Deux éléments importants sont à relever ici. D’abord, le sceau du secret ou mieux de la confidentialité qui marque fondamentalement l'élection du greffier adjoint de la Cour et ensuite,  la source des candidatures. A l’observation, tel que le prévoient les dispositions liminaires de l’article 22 alinéa 1 du Règlement de la Cour, « la Cour élit son greffier au scrutin secret… ». Le communiqué de la Cour qui annonce  l’élection de M. Jean-Pelé Fomété comme greffier adjoint renchérit en affirmant que « La Cour Internationale de Justice a élu, au cours d’une séance privée… ». C’est bien la marque du sceau de la confidentialité qui imprègne l’élection du greffier adjoint de la Cour. Il s’agit en effet, de préserver non seulement tout le magistère qui caractérise la fonction de greffier adjoint, mais aussi et surtout, l’éminence sobre et le prestige juridictionnel qu’incarne la Cour Internationale de Justice. Ce souci de discrétion est aussi important pour la garantie de la  bonne qualité de l’élection qui doit être épargnée des vicissitudes de la publicité.

Bien plus, la marque de confidentialité est encore plus perceptible au niveau de l’origine des candidatures, lesquelles, selon les dispositions de l’article 22 du Règlement de la Cour, proviennent des juges de la Haute juridiction. En effet, seuls les juges, membres de la Cour ont qualité pour faire des propositions de candidature. Ces propositions doivent être accompagnées de « tous renseignements utiles sur les candidats et indiquer notamment leur âge, leur nationalité, leurs occupations actuelles, leurs titres universitaires, leurs connaissances linguistiques, et leur expérience du droit, de la diplomatie ou des affaires des organisations internationales »

Cette disposition renseigne à suffisance sur quelques critères qui sont évalués et pris en compte par les membres de la Cour dans leurs propositions de candidature au poste de greffier ou de greffier adjoint. Il s’agit avant tout de « tous renseignements utiles ». Cette formule quelque peu vague et imprécise peut très bien prêter à équivoque surtout au niveau de l’appréciation de ce qui peut être considéré comme un « renseignement utile ». En toute objectivité, qu’est-ce qu’un renseignement utile ? Il s’agit là d’une bonne interrogation. Mais loin d’avoir la prétention de s’y étendre plus densément, il faut noter que la suite des dispositions de l’article 22 alinéa 3 du Règlement de la Cour donne quelques indications non négligeables qui peuvent permettre de comprendre, et surtout de donner un contenu substantiel à la notion de « renseignements utiles ». Il peut en effet s’agir de :

-          L’âge et la nationalité du candidat ;

-          Les occupations actuelles du candidat ;

-          Les titres universitaires du candidat ;

-          Les connaissances linguistiques du candidat ;

-          L’expérience du candidat dans le domaine du droit, de la diplomatie ou des affaires des organisations internationales.

Loin d’être exhaustifs, ces critères permettent d’entrevoir le profil du candidat au poste de greffier adjoint à la Cour. A priori, ils dénotent la volonté pour les membres de la Cour d’élire le meilleur candidat c’est-à-dire celui-là qui  non seulement aura réuni sur l’ensemble des candidats en compétition la maximum des qualités professionnelles requises et des compétences exigées ; mais aussi, qui aura réussi à emporter la conviction des membres de la Cour.

C’est dire en conséquence que M. Jean-Pelé Fomété qui a été élu lundi dernier a réussi par la qualité de son profil à emporter la conviction objective et subjective de la majorité des membres de la Cour Internationale de Justice. Pour s’en convaincre, il est utile de jeter un regard sur le portrait du nouveau greffier adjoint du principal organe judiciaire de l’Organisation des Nations Unies.

Mais avant, il semble important de préciser que conformément aux dispositions de l’article 22 du Règlement, M. Jean-Pelé Fomété a été élu pour un mandat de sept (07) ans, à la majorité des membres de la Cour. Il succèdera à Mme Thérèse de Saint Phalle dont la démission effective prendra effet à la date du 15 mars 2013. Ce qui signifie tout simplement que le tout premier mandat de M. Jean-Pelé Fomété commencera à courir à compter du 16 mars 2013 date à laquelle, il doit entrer en fonction par l’exécution de la tradition cardinale du serment dont la formule solennelle est prévue à l’article 24 du Règlement et se lit comme suit :

« Je déclare solennellement  que je remplirai en toute loyauté, discrétion et conscience les devoirs qui m’incombent en ma qualité de Greffier (adjoint) de la Cour Internationale de Justice et que j’observerai fidèlement toutes les prescriptions du Statut et du Règlement de la Cour ». 

Aussi, il ne faut pas omettre de préciser que le greffier adjoint de la Cour reste rééligible.

II. Portrait synoptique du nouveau greffier adjoint de la Cour Internationale de Justice

Comment comprendre et interpréter l'élection de M. Jean-Pelé Fomété comme greffier adjoint de la Cour Internationale de Justice ? Trois figures de ce juriste peuvent donner des pistes de réponse à cette question : d’abord celle du juriste-chercheur ; ensuite, celle d’un professionnel expérimenté dans la fonction du greffe des organes juridictionnels internationaux ; et enfin, celle du diplomate.

D’abord, M. Jean-Pelé Fomété est un « juriste hors-classe » et un chercheur aguerri. Juriste en effet, car il est docteur en droit. Par ailleurs, il a occupé les fonctions de Conseiller juridique du greffier du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) et celles de Juriste au sein du greffe du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Bien plus, en tant que chercheur aguerri, entre 1988 et 1996, M. Jean-Pelé Fomété a été Secrétaire général du Centre d’études et de recherches en droit international et de l’environnement, et consultant senior au Cabinet Brain Trust Consulting Inc. Au plus, il est l’auteur de publications scientifiques parmi lesquelles figure en bonne place cet article co-signé par Roland Adjovi et publié dans le volume VI de l’Annuaire Français des Relations Internationales en 2005 qui s’intitule, « Les relations entre le Tribunal pénal international pour le Rwanda et les Etats. L’obligation de coopération dans l’exécution du mandat du Tribunal ».

Ensuite, M. Jean-Pelé Fomété est un professionnel expérimenté de la fonction de greffier au sein des juridictions internationales. En effet, il a commencé à servir au greffe du TPIYen tant que juriste, avant de rejoindre l’équipe du TPIR où pendant cinq (05) ans il a été conseillé juridique et assistant spécial du greffier. Par la suite, il a servi le greffe du TPIRen tant que Directeur de programmes pendant sept (07) ans avant de rejoindre une autre équipe professionnelle, celle du Tribunal du contentieux administratifde l’Organisation des Nations Unies à Nairobi où il est actuellement greffier depuis 2009.

Au vu de ce qui précède, l’on comprend bien qu’au-delà de ses titres universitaires, M. Jean-Pelé Fomété se présente comme un professionnel pétri d’expérience et surtout, bien acclimaté aux réalités et aux hautes exigences professionnelles de la fonction de greffier. Il a commencé à œuvre au sein des greffes des tribunaux pénaux internationaux, puis au sein du TCANU et aujourd’hui, c’est au sein du principal organe judiciaire de l’Organisation des Nations Unies qu’il devra désormais faire valoir ses compétences au service de la justice internationale.

Enfin, M. Jean-Pelé Fomété est un diplomate camerounais, car de 1991 à 1996, il a été chef du service des organes politiques et juridiques de l’ONU au Ministère des Relations Extérieures du Cameroun.

Ces trois figures rendent comptent à suffisance de la qualité du profil de M. Jean-Pelé Fomété  dont la candidature à reçu l’approbation de la majorité des membres de la Cour. L’on peut enfin s’appesantir sur la configuration actuelle du greffe de la Cour Internationale de Justice.

III. Regard sur la Configuration actuelle du greffe de la Cour Internationale de Justice

L'élection de M. Jean-Pelé Fomété comme greffier adjoint de la Cour introduit logiquement une réforme dans la configuration du personnel du greffe sur lequel il importe de jeter un regard. Cette configuration connaîtra une légère modification occasionnée par la démission prochaine du greffier actuel, Mme Thérèse de Saint Phalle, de nationalité française et américaine qui a été élue le 9 octobre 2007, et dont le mandat a commencé à courir le 19 février 2008. Elle n’achève pas son mandat initial de sept ans et démissionne après 5 ans de service. Cette légère modification est marquée par l’entrée en fonction prochaine de M. Jean-Pelé Fomété en tant que nouveau greffier adjoint de la Cour qui devra assister M. Philippe Couvreur, de nationalité belge, actuel greffier de la Cour.

Toutefois, il convient de présenter l’historique des précédents greffiers adjoints de la Cour. De manière chronologique voici la liste des personnes qui ont occupé le poste de greffier adjoint au sein de la Cour. Il s’agit de :

 

Cette chronologie permet de faire quelques constats non négligeables :

Premièrement, au niveau de la représentation des pays, il ne faudrait pas se méprendre par exemple sur le fait que la France par exemple a majoritairement occupé le poste de greffier adjoint au sein de la Cour. En effet, le greffe à la différence de la Cour en elle-même est un organe technique qui manifestement n’est pas soumis à la règle traditionnelle du respect de la représentation équitable des grandes formes de civilisation ou encore des principaux systèmes juridiques du monde. A ce titre, les Etats n’interviennent pratiquement pas dans le processus de désignation du greffier ou de son adjoint. Seuls les juges ont ici la qualité et le pouvoir de choisir par le biais d’un vote la personne qui doit assumer les fonctions de greffier ou de greffier adjoint.

Deuxièmement, l’Afrique n’avait pas encore eu l’occasion de se faire représenter au sein de cet organe administratif qu’incarne le greffe de la Cour. C’est chose faite avec l’élection de M. Jean-Pelé Fomété qui est appelé à assister comme on l’a précédemment relevé le greffier de la Cour dans l’exercice de ses fonctions et surtout, de le remplacer valablement en cas d’absence ou de vacance de poste jusqu’à que ce que celui-ci soit pourvu, conformément aux dispositions de l’article 27 alinéa 1 du Règlement de la Cour.

Bien plus, il est à noter que le greffier adjoint « s’est récemment vu confier des responsabilités plus larges en matière administrative, telles que la supervision directe du service des archives, du service de l’informatique et du service des affaires générales ».

Somme toute, l’élection de M. Jean-Pelé Fomété, comme greffier adjoint de la Cour Internationale de Justice traduit une réalité simple désormais avérée en droit international : les juridictions internationales ont-elles aussi une vie institutionnelle qui est animée par le travail remarquable des professionnels et experts qui concourt chaque jour à leur donner la place qui est la leur dans la régulation de la scène internationale et l’encadrement des rapports entre les divers sujets du droit international.

 

BANZEU Rostand



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23 novembre 2010 2 23 /11 /novembre /2010 20:36

INTRODUCTION GENERALE

- Définition des concepts

L’expression « justice internationale » met en rapport deux concepts qu’il convient au préalable de définir afin de mieux comprendre les développements qui vont suivre. Il s’agit d’une part du mot « justice » et d’autre part de l’adjectif « international ».

Le mot justice n’est pas aisé à définir. Pour le Dictionnaire des termes juridiques, il s’agit d’un « concept désignant le fait de faire ou dire ce qui est juste, c’est-à-dire conforme à l’équité ou à la norme de droit définissant les règles régissant les rapports entre les individus. [C’est aussi une] institution chargée de statuer sur les litiges entre individus ou transgressions par eux à la norme légale ». En ce sens, la justice doit être appréhendée aussi bien sur le plan matériel, en tant que activité consistant à trancher un litige sur la base du droit ou de l’équité, que sur le plan organique, comme l’institution investie d’une telle mission.

L’adjectif international, quant à lui, a également deux dimensions : d’une part, international renvoie à interétatique, c’est-à-dire tout ce qui met en situation deux Etats. D’autre part, international renvoie à trans-étatique, c’est-à-dire tout phénomène qui transcende la frontière d’un Etat, quand bien même il ne serait pas le fait d’un acteur étatique. Exemple : un commerçant qui commande de la marchandise dans un pays étranger ; on est bien là face à une transaction internationale.

En somme, la justice internationale peut être entendue comme le fait pour une institution, sur la base du droit ou de l’équité, de trancher des litiges entre des acteurs étatiques ou non étatiques. Il est important de relever dans cette définition que la justice internationale n’est pas forcément le fait de juridictions internationales et ne concernent pas seulement les Etats. Mais, par souci de commodité, nous nous en tiendrons à la justice entre Etats.

- La spécificité de la justice internationale

On relève trois principaux caractères de la justice internationale qui la distinguent de la justice étatique.  

En premier lieu, les principaux justiciables sont les Etats, ce qui tranche nettement avec la justice étatique où les principaux justiciables sont les individus. Tout le système juridictionnel international est donc aménagé pour tenir compte de ce paramètre.

En second lieu, la justice internationale a un caractère facultatif. Cela signifie qu’un Etat, en vertu de sa souveraineté, ne peut être attrait devant les juridictions internationales sans son consentement. Ainsi, pour les Professeurs Patrick Daillier et Alain Pellet, « aussi longtemps que survivra la souveraineté étatique, il sera difficile d’établir une justice internationale obligatoire, autorisant chaque Etat à citer unilatéralement un autre Etat devant une juridiction internationale à propos de n’importe quel différend ».

En troisième lieu enfin, la justice non institutionnalisée, autrement dit l’arbitrage, occupe une place très importante sur le plan international. Cela tient aussi bien aux données historiques (l’arbitrage a précédé l’apparition des premières juridictions internationales permanentes) qu’à des considérations techniques (l’arbitrage présente l’avantage de la souplesse et même de la discrétion chères aux Etats).

- Problématique générale de l’étude

Nous nous interrogeons ici, d’une part, sur les enjeux de la justice internationale (pourquoi la justice internationale ?) et, d’autre part, sur les modalités de sa mise en œuvre (comment la justice internationale ?).

 

LES ENJEUX DE LA JUSTICE INTERNATIONALE

 

A la question de savoir pourquoi la justice internationale, la réponse peut sembler simple. Il s’agit de mettre fin aux conflits qui peuvent survenir entre les sujets de la société internationale, autrement dit, de promouvoir la paix et la sécurité internationales par le droit (A). Or, à l’observation, on relève un certain nombre d’insuffisances inhérentes à la justice internationale et qui remettent en cause la dite finalité (B).

 

La justice internationale : un nouveau moyen de règlement pacifique des différends

 

Le droit international a précédé l’apparition des juridictions internationales. En effet, on situe la naissance du droit international à partir de 1648, avec la naissance des Etats à la suite des accords de Westphalie qui mettent fin à la guerre de trente ans (1618-1648). Or, pendant longtemps, le droit international fut un droit dont l’observation reposait exclusivement sur la parole donnée (pacta sunt servanda). Les différends entre Etats, quelle qu’en soit la nature, se réglaient ainsi, soit par la négociation, soit par la guerre dans la mesure où, en vertu de la souveraineté, il n’était pas possible d’imaginer une instance extérieure à l’Etat lui imposer la conduite à tenir. Le XIXe siècle va cependant bouleverser l’ordre des choses, notamment à travers le développement de l’arbitrage inter-étatique, première forme de justice à l’échelle internationale. Les premiers arbitrages furent ainsi le fait de chefs d’Etat appelés à se prononcer à titre personnel. Puis l’arbitrage s’institutionnalisa et la convention de La Haye établit en 1889 la Cour permanente d’arbitrage (CPA). La CPA a rendu une quinzaine de sentences avant la première guerre mondiale, avant d’entrer dans une phase de léthargie.

A l’issue de cette guerre, la Société des Nations et la Cour permanente de justice internationale furent créées. L’une et l’autre étaient mises au service de la paix qui devait être assurée par le respect du droit. Désormais, les différends juridiques entre les Etats pouvaient être soumis à des juges constituant une véritable cour permanente à compétence générale et à vocation universelle.

L’édifice ainsi mis sur pied fut revu au lendemain de la seconde guerre mondiale et l’Organisation des Nations Unies se substitua à la Société des Nations. Un pas décisif fut alors franchi en droit puisque la Charte mit la guerre hors la loi. Elle condamna en effet le recours à la force, sauf cas de légitime défense. Par voie de conséquence, elle rendit obligatoire le règlement pacifique des différends (articles 2 § 3 de la Charte des Nations Unies), notamment par la voie de l’arbitrage ou du le règlement judiciaire (article 33 § 1 de la Charte). Ainsi, dans ce sens, lorsque l’on parcourt le Statut de la Cour internationale de Justice, on voit bien qu’à l’article 38 la Cour reçoit la mission statutaire de régler, conformément au droit international, les différends qui lui sont soumis. Mais la particularité ici est qu’elle le fait sur la base exclusive du droit international ou de l’équité.

En somme, la justice internationale a été établie en vue de régler les différends internationaux par le recours à des tiers neutres et impartiaux (juges et arbitres), qui appliquent le droit international. Or, aujourd’hui, cette vision est de plus en plus contestée.

 

Les insuffisances de la justice internationale

 

La justice internationale fait l’objet aujourd’hui de nombreuses critiques. Deux principales raisons expliquent cela : d’une part, les recours sont facultatifs, d’autre part, les décisions qui en découlent, si elles sont obligatoires, ne sont pas exécutoires.

La justice internationale : une justice facultative

S’agissant du caractère facultatif de la justice internationale, il est la résultante même de la souveraineté des Etats. En effet, en vertu de la souveraineté, un Etat ne peut être attrait devant les juridictions internationales sans son consentement. Ce consentement doit s’exprimer, soit avant la naissance du litige, soit après la naissance de celui-ci. Ainsi donc, quand bien même un conflit aurait éclaté, il est possible pour l’un des belligérants d’échapper à la justice internationale s’il ne reconnaît pas la compétence des juridictions établies. Une implication de ce mécanisme volontariste est que l’Etat, qui au préalable a reconnu unilatéralement la compétence d’une juridiction internationale, conserve la latitude de faire marche arrière. C’est ainsi que les Etats-Unis, après qu’ils aient été condamnés par la CIJ dans l’affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci, ont retiré leur souscription à la clause facultative de juridiction obligatoire.

Les décisions de justice internationale ne sont pas exécutoires

Les décisions de justice, sur le plan international, sont obligatoires et non exécutoires. Cela signifie qu’un Etat, quand bien même il ne peut se soustraire à une décision internationale, il ne peut également être l’objet de mesures d’exécutions forcées en vertu de sa souveraineté. Le fragile mécanisme prévu à l’article 94 § 2 de la Charte des Nations Unies n’a jamais été mis en œuvre. En vertu de cette disposition, « si une partie à un litige ne satisfait pas aux obligations qui lui incombent en vertu d’un arrêt rendu par la Cour, l’autre partie peut recourir au Conseil de sécurité et celui-ci, s’il le juge nécessaire, peut faire des recommandations ou décider des mesures à prendre pour faire exécuter l’arrêt ». Cet article n’implique pas systématiquement le recours à la force, mais confère plutôt au Conseil de sécurité un pouvoir d’appréciation. Or, le Conseil est un organe politique où l’action des Etats est d’abord commandée par leurs intérêts.

On pourrait également ajouter ici la critique de plus en plus récurrente qui est celle de l’émergence d’une justice au service des vainqueurs, notamment les grandes puissances, comme semble l’attester la création des tribunaux pénaux internationaux et de la CPI. Mais cela reste tout un débat.

 

LES MODALITES DE MISE EN ŒUVRE DE LA JUSTICE INTERNATIONA-LE : LA CREATION DES JURIDICTIONS INTERNATIONALES

 

Nous procèderons ici, d’abord à une étude globale des juridictions internationales, dont la caractéristique majeure au XXIe siècle est leur prolifération (A), avant d’opérer une analyse spécifiques de deux juridictions, qui peuvent être considérées aujourd’hui comme les plus en vue (B).

 

La prolifération des juridictions internationales

 

Nous tenterons dans un premier temps d’opérer une classification des juridictions internationales (1), avant de voir quels sont les rapports qui existent entre celles-ci (2).

Tentative de classification des juridictions internationales

Les juridictions internationales peuvent être classées suivant plusieurs critères. Nous retiendrons ici le critère de la compétence territoriale dans un premier temps, et le critère de la compétence matérielle dans un second temps.

Sur le plan de la compétence territoriale, on distingue les juridictions à vocation universelle des juridictions à vocation régionale ou sous-régionale. Ainsi, s’agissant des juridictions à vocation universelle, c’est-à-dire celles qui peuvent être saisies par tous les Etats de la planète, biensûr sous réserve de l’expression préalable du consentement, on cite la Cour internationale de Justice, la Cour pénale internationale, le Tribunal international du droit de la mer ou encore l’Organe de règlement des différends de l’OMC. En ce concerne les juridictions à vocation régionale ou sous-régionale, leur compétence est limitée à la région ou à la sous région concernée. On citera par exemple ici la Cour de justice de l’Union Africaine (qui n’est pas encore effective), dans le cadre de l’Afrique, ou encore la Cour de justice de la CEMAC dans le cadre de l’Afrique centrale, la Cour de justice des communautés européennes dans le cadre de l’Union Européenne, la Cour  interaméricaine des droits de l’homme dans le cadre du continent américain.

Sur le plan de la compétence matérielle, c’est-à-dire l’objet pour lequel la juridiction en question peut être saisie, on distingue les juridictions à compétence générale qui peuvent être saisies pour tous les types de différends d’ordre juridique (la CIJ) des juridictions à compétence spécialisée, c’est-à-dire limitée à un objet bien précisé. C’est le cas du Tribunal international pour le droit de la mer qui n’est compétent que pour les questions liées au droit de la mer, ou encore la Cour européenne des droits de l’homme qui ne peut être saisie que pour des questions ayant trait aux droits humains.

Or, cette prolifération de juridictions internationales pose un problème quant à leurs rapports.

Les rapports entre les juridictions internationales

Qui dit rapports entre juridictions internationales pose le problème de leur hiérarchie. En effet, lorsque l’on se réfère au modèle étatique, l’on observe bien l’existence de juridictions d’instance, d’appel et de cassation, l’idée étant que la juridiction supérieure peut remettre en cause la décision d’une juridiction inférieure. Ce qui n’est pas le cas sur le plan international. Ici, aucune juridiction n’est supérieure à l’autre, c’est le principe de l’autonomie des juridictions. Même la CIJ, dont la compétence est universelle et générale n’est ni supérieure ni prioritaire par rapport aux juridictions régionales ou à compétence spécialisée et ne peut donc pas remettre en cause leurs décisions. Deux problèmes se posent ainsi ici : le risque de chevauchement de compétences et le risque de contrariété des jugements.

Quelques solutions ont été proposées à ce sujet, mais qui restent encore dans l’ordre de la spéculation : d’une part, que la CIJ soit établie comme un second degré de juridiction, ce qui lui permettrait de connaître des recours portés contre les décisions rendues par les autres juridictions. D’autre part, que les questions susceptibles de donner lieu à des décisions contradictoires peuvent être soumises à la CIJ sous la forme de questions préjudicielles.

 

Etude d’une juridiction internationale spécifique : la CIJ

 

La CIJ est considérée comme la juridiction internationale par excellence. Conformément à l’article 92 de la Charte, la CIJ constitue l’organe judiciaire principal des Nations, ce qui lui confère un rôle important dans le règlement des litiges internationaux.

L’organisation et le fonctionnement de la CIJ sont aménagés par trois textes majeurs : la Charte des Nations Unies, le Statut de la Cour et son règlement de procédure.

Organisation de la Cour

La Courcomprend un organe judiciaire et un organe administratif. L’organe judiciaire est composé des juges. Il y a tout d’abord les juges permanents. Ils sont au nombre de quinze et sont élus par l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité pour un mandat de neuf ans. Il y a ensuite les juges ad hoc qui sont désignés pour chaque affaire par l’Etat qui ne possède pas de juge de sa nationalité au sein de la Cour.

L’organe administratif de la Cour est le greffe. A sa tête se trouve un greffier et un greffier adjoint. Leurs principales missions consistent à recevoir les requêtes des parties, leur communiquer toute information relative à des affaires les concernant, à co-signer les décisions avec le Président de la Cour et à élaborer le budget de la Cour.

Fonctions de la Cour

La CIJ a deux fonctions : une fonction contentieuse et une fonction consultative.

La fonction contentieuse consiste à trancher les litiges qui lui sont soumis. Le contentieux devant la CIJ ne concerne que les Etats (article 34 du Statut) et s’étend à toutes les affaires que les parties décident de lui soumettre (article 36 du Statut).

La compétence de la Cour n’est pas obligatoire. Elle suppose le consentement de l’Etat, qui peut l’exprimer selon quatre modalités : la clause compromissoire et le compromis (article 36 § 1 du Statut), la clause facultative de juridiction obligatoire (article 36 § 2) et l’acceptation non formaliste de la juridiction de la Cour ou forum prorogatum (affaire du détroit de Corfou, arrêt du 25 mars 1948 sur la compétence de la Cour et la recevabilité de la requête).

Une fois que la compétence de la Cour est établie, le procès proprement dit peut s’ouvrir. La procédure est d’abord écrite, puis orale. C’est la procédure normale. Cependant, il peut arriver que celle-ci soit émaillée d’incidents : soulèvement d’exceptions préliminaires, défaut d’une partie, demande de mesures conservatoires, jonction d’instances, intervention d’une tierce partie.

La décision de la Cour n’est obligatoire que pour les parties en litige et dans le cas qui a été décidé (principe res inter alios judicata, prévu à l’article 59 du Statut de la Cour). En cas d’inexécution de la décision de la Cour, la partie qui a eu gain de cause peut saisir le Conseil de sécurité (article 94 § 2 de la Charte), ce qui ne signifie pas pour autant que celui-ci va recourir à la force pour mettre en œuvre la décision en cause. Dans tous les cas, l’histoire nous enseigne qu’à aucun moment le Conseil n’a été saisi à cet effet.

La fonction consultative consiste pour la Cour à rendre des avis consultatifs à la demande des organes des Nations Unies (article 65 du Statut). Les avis consultatifs n’ont pas de force obligatoire.

O. SAMYN, P. SIMONETTA, C. SOGNO, Dictionnaire des termes juridiques, Paris, éditions de Vecchi, 1986, p. 1999.

Patrick DAILLIER et Alain PELLET, Droit international public, Paris, LGDJ, 7e édition, 2002, p. 863.

Ce fut également le cas de la France après sa condamnation dans l’affaire des essais nucléaires en 1974.

Ainsi a-t-on vu le Chili et l’Union européenne prêts à saisir l’un le Tribunal du droit de la mer et l’autre l’Organisation mondiale du commerce d’un différend les opposant sur la pêche à l’espadon.

Ainsi dans l’affaire Tadic, le Tribunal Pénal International pour l’ex.Yougoslavie a en 1999, adopté des positions diamétralement opposées à celles retenues par la Cour internationale de justice quelques années auparavant dans une affaire opposant le Nicaragua aux Etats-Unis, pour ce qui est des responsabilités encourues par un Etat qui intervient dans une guerre civile sur le territoire d’un autre Etat.

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